Attentats Hanau février 2020

Par Stéphane François

Nazisme, alt-right américaine et mouvances identitaires européennes : l’historien Stéphane François analyse une « spiritualité » qui a conduit aux attentats de Hanau en Allemagne le 19 février 2020, perpétrés contre des bars à chicha et ayant fait 10 victimes, dont la mère du terroriste.

Depuis quelques années, le terrorisme d’extrême droite revient en force. Il se nourrit des thèses de l’alt-right étatsunienne. Il se nourrit aussi des vieilles thématiques formulées après guerre par les rescapés du nazisme. Dans les deux cas, on trouve l’idée d’un génocide lent des peuples blancs au profit d’une substitution ethnique : le « grand remplacement ». Cette idée est née chez les suprémacistes blancs américains du début du XXe siècle comme Madison Grant et Lothrop Stoddard, et a été banalisée dans les années 1950 en France par d’anciens SS tels que René Binet ou par le Suisse Gaston-Armand Amaudruz… Le soleil noir est toujours d’actualité et, comme le montrent les attentats de Hanau, il tue encore.
Tobias Rathjen, le terroriste qui a abattu dix personnes à Hanau le 19 février 2020, est un complotiste. Il faisait référence sur son site Internet à deux « abducted », c’est-à-dire deux personnes qui affirmaient avoir été enlevés par des extraterrestres.

Attentats Hanau - Allemagne © Boris Rossler/DPA/AFP
© Boris Rossler/DPA/AFP

Il les considérait comme des « lanceurs d’alerte ». Ce discours peut sembler aberrant. Pourtant, il n’est pas le seul à l’extrême droite à avoir une conception alternative de la réalité. Ainsi, le principal auteur faisant le lien entre les ovnis, l’« occultisme nazi », c’est-à-dire un supposé savoir ésotérique dont les nazis auraient été les dépositaires, et les différentes générations de militants d’extrême droite depuis l’après-guerre était un ancien SS autrichien passionné d’ésotérisme et auteur de livres de science-fiction : Wilhelm Landig[1]. À compter des années 1970, il a publié une trilogie de romans à clés, dans lesquels il développe l’idée que les nazis avaient non seulement des ovnis (qui faisaient partie des « armes secrètes » de Himmler), mais qu’ils étaient aussi les dépositaires d’un savoir ésotérique et d’une religion raciale qui faisaient d’eux des élites. Le tout baignait évidemment dans un discours raciste et antisémite.


[1] Wilhelm Landig (1909-1997) était un SS autrichien, médaillé par le Troisième Reich et la Croatie oustachie pour sa lutte contre le bolchévisme dans les Balkans. Interné par les Britanniques, il fut libéré rapidement du fait de ces « compétences » dans le contexte de la Guerre froide. Il est connu après guerre pour avoir fondé un groupe d’ésotérisme « aryen » et pour avoir écrit des romans mêlant discours raciaux et occultisme nazi au thème des ovnis, traduits en français dans les années 2000 (Combat pour Thulé, Le Temps des loups et Les rebelles de Thulé).

Occultisme et paganisme : aux racines du nazisme

Cet « occultisme nazi » est un sujet passionnant pour le chercheur qui ose s’y plonger : il offre à l’observateur un monde à la fois foisonnant, étrange et particulièrement radical. Foisonnant au vu de la diversité des matériaux théoriques mis en œuvre ; étrange quant à leur nature ; radical quant à la teneur de ces matériaux – on y croise un nazisme, un antisémitisme et un négationnisme extrêmes. Le sujet est donc piégé. Pour autant, ces thématiques font partie d’un imaginaire réel, qui organise la pensée, voire la vision du monde, de certains militants d’extrême droite.
Concrètement, il s’agit d’une forme de « paganisme » racial avec des aspects occultistants indéniables dus aux matériaux théoriques, folkloriques, historiques et anthropologiques utilisés pour le fabriquer. En effet, il n’a strictement rien de « naturel » ; au contraire, il est totalement artificiel : il s’agit d’un « bricolage », au sens anthropologique du terme. On utilisera ici de manière quasi synonyme « occultisme nazi » ou « paganisme », l’« occultisme nazi » étant généralement l’expression dans ces discours d’un néopaganisme racial. D’ailleurs, lorsqu’on entre dans une librairie d’extrême droite et qu’on demande le rayon « paganisme », le patron vous dirige systématiquement vers le rayon comprenant la littérature nazie ou néonazie : il y a de facto un lien opéré implicitement dans le milieu concerné. Dans les milieux extrémistes de droite, « paganisme » et « nazisme » sont liés.

La version du paganisme prônée par ces activistes n’a pas eu, pour autant, l’importance historique désirée dans l’Allemagne nazie. S’il y a bien eu des nazis païens ou marqués par l’occultisme, ils furent largement minoritaires, bien qu’il y ait eu des exemples de premier plan. On pense tout de suite à Himmler et à Hess. Cependant, d’autres, comme Rosenberg[2], sont restés chrétiens, surtout dans une variante protestante et nationaliste, ou ont manifesté un manque d’intérêt pour les questions religieuses – pensons à Göring ou à Goebbels. Les nazis païens, regroupés autour du comte Ernst zu Reventlow[3], ont néanmoins tenté d’avoir une visibilité auprès du mouvement en fusionnant avec d’autres structures païennes des années 1920. Ce fut le « mouvement de la foi germanique »[4], mais l’audience fut limitée. Elle n’attirait qu’environ 300 000 personnes durant cette période – le nombre de « pratiquants » ayant été recensés après 1933 en vue de l’impôt confessionnel payé par les croyants allemands pour financer les structures religieuses relevant de leur confession. C’est à la fois beaucoup et peu : beaucoup pour un mouvement minoritaire, mais on est loin du « raz-de-marée » païen qu’aurait été la société nazie entre 1933 et 1945. Ce paganisme a surtout été celui de Himmler et de certains de ses proches.


[2] Alfred Rosenberg, allemand de l’Empire russe, est né à Reval en 1893 et mort à Nuremberg en 1946. Arrivé en Allemagne en 1918, il s’installe à Munich l’année suivante. Il rencontra Dietrich Eckart, le futur mentor d’Hitler et, proche des mystiques et antisémites russes, fut l’un des diffuseurs des Protocoles des Sages de Sion et le propagateur de l’idée du complot judéo-bolchévique dans ce pays. Il fut aussi l’un des principaux théoriciens du nazisme.

[3] Le comte Ernst zu Reventlow (1869-1943), était un officier de marine, un journaliste et un homme politique d’extrême droite, proche des mouvements néo-païens allemands. Il devint membre du parti nazi en 1927, mais, proche de la tendance « socialisante » des frères Strasser, il fut progressivement marginalisé.

[4] Le mouvement de la foi germanique était une fédération de structures néo-païennes souhaitant une reconnaissance officielle du Troisième Reich. Il a été fondé par l’orientaliste Jakob Wilhelm Hauer en juillet 1933. En étaient membres plusieurs figures de premier plan comme le peintre Fidus (Ludwig Fahrenkrog), l’activiste raciste et antisémite Theodor Fritsch, le raciologue Hans F. K. Günhther ou le fondateur de l’Ahnenerbe – le centre de recherche de la SS – Herman Wirth. Plusieurs nazis en firent également partie, tel Johann von Leers. Hauer et Reventlow quittèrent le mouvement qu’ils avaient fondé en 1935. Celui-ci passa aussitôt sous le contrôle de la SS.

Après guerre, la diffusion d’une « foi aryenne »

Ce paganisme, et plus largement l’« occultisme nazi », a été mis en avant par toute une série d’activistes d’extrême droite après la seconde guerre mondiale. Il s’agissait de créer une foi « purement aryenne », une foi ethnique propre aux Européens, les néonazis assimilant l’aryanisme d’avant-guerre aux Indo-Européens après 1945. Cette foi serait alors propre à la « race blanche ». Les propagateurs de cette « foi », après-guerre, étaient dispersés dans le monde : du Chilien Miguel Serrano à l’Indienne Savitri Devi Mukherji en passant par les Européens Landig ou Saint-Loup[5]. Cet « occultisme nazi » a un aspect identitaire marqué : il s’agissait de forger une foi qui ne devait rien au christianisme, religion orientale… Paradoxalement, l’« occultisme nazi » a offert la possibilité de créer une « Internationale noire ». Plusieurs de ces théoriciens l’ont tenté d’ailleurs ; la tentative la plus connue étant « l’Union mondiale des nationaux-socialistes » (World Union of National Socialists – WUNS), fondée en 1962. On trouve également les traces d’internationalisation de ce discours dans les manifestes des différents terroristes d’extrême droite et suprémacistes blancs[6] qui sévissent de par le monde aujourd’hui, en particulier en ce qui concerne le supposé « grand remplacement », vu comme un génocide lent des « peuples blancs ». Cette idée était celle des rescapés de la SS, tels que le français René Binet qui la développa dès le début des années 1950.
Il s’agissait également de diffuser l’idée d’une autre issue à l’effondrement du Reich, supposé millénaire, et à ses hérauts. Les membres les plus éminents de l’ordre nouveau des nazis devinrent des proscrits après guerre, les régimes nazis et fascistes s’étant effondrés et leurs chefs d’État étant morts dans des conditions pathétiques… Pour ces militants, il fallait trouver des échappatoires, écrire une nouvelle fin. L’occultisme nazi participe de cela : ces militants n’étaient pas des perdants, mais des représentants d’une nouvelle aristocratie mystique et raciale, les nazis. Il participe aussi à la volonté d’entretenir le mythe d’un Ordre noir, la SS, nouvelle aristocratie détentrice d’un savoir mystique, païen – ou du moins antichrétien – et racial.


[5] Saint Loup (1908-1990) est le pseudonyme de plume du français Marc Augier, utilisé après 1945. Marc Augier fut une personnalité de gauche, membre dans les années 1930 du cabinet de Léo Lagrange. Sportif accompli, il fit la promotion du sport auprès de la jeunesse. Il fut le responsable des auberges de jeunesse. Il devint nazi peu avant la guerre, fut membre du groupe Collaboration et s’engagea dans la Légion des volontaires français (LVF) contre le bolchevisme. Après guerre, condamné à mort par contumace, il se réfugia en Argentine. Devenu Saint-Loup, il publia en 1952 La Nuit commence au Cap-Horn, un génocide de droit divin, sélectionné au Prix Goncourt. Revenu en France suite à une amnistie, il devint journaliste dans la presse de droite et d’extrême droite. Il ne renia jamais son engagement et fut l’un des promoteurs d’une forme de paganisme régionaliste auprès de l’extrême droite de l’après-guerre.

[6] Par exemple, le manifeste de Brenton Tarrant, qui associe peuples européens et « race blanche ». Celui-ci se voit comme un descendant d’Européens, fier de ses origines. Il se considère comme un Européen vivant en Australie, reprenant à son compte la théorie de l’extrême droite de la « désinstallation », c’est-à-dire la capacité des Européens de reproduire sur d’autres continents la civilisation européenne.

Ce type de discours n’est pas seulement hors norme et étrange, il est également dangereux, en justifiant l’antisémitisme et le négationnisme par des considérations mystiques. Ainsi, dans un registre annexe, mais qui reste assez proche des niches éditoriales de la littérature ésotérique ou occultiste, celui des ovnis, un auteur français, Marc Dem (pseudonyme de Marc Demeulenaere 1926-1997), catholique traditionaliste et journaliste d’extrême droite, a théorisé en 1974 l’idée, dans Les Juifs de l’espace, que les Juifs actuels ne seraient que les descendants d’une expérience génétique extraterrestre ayant plus ou moins échoué, et dont le créateur ne serait que Yahvé, un extraterrestre cannibale… L’antisémitisme ne serait qu’un réflexe de survie pour Dem. L’ouvrage n’a pas été publié chez un obscur éditeur d’extrême droite, mais chez Albin Michel, dans la collection « Les Chemins de l’impossible », une collection très populaire dans les années 1970. Il n’est pas le seul d’ailleurs à l’époque à publier dans des collections populaires : citons, entre autres, le livre que l’écrivain français apologète de la SS Jean Mabire a écrit sur le mythe de la Société Thulé – la supposée société secrète à l’origine du nazisme –, Thulé, le soleil retrouvé des Hyperboréens, paru en 1977 chez Robert Laffont, dans la collection « Les énigmes de l’univers ». Il s’agit surement de son ouvrage le plus ouvertement nazi, puisqu’il y défend que la préservation de la pureté du sang (aryen donc) serait le vrai secret de cette société d’extrême droite.

La mode n’est pas passée. Si les livres de Marc Dem sont devenus rares à trouver, ce n’est pas le cas d’autres ouvrages, qui sont toujours en vente actuellement. Le Thulé de Jean Mabire a d’ailleurs été réédité en 2002. Les différentes maisons d’édition de l’extrême droite traduisent et publient les ouvrages de « néonazis occultes » comme Savitri Devi, Miguel Serrano ou Wilhelm Landig.

Outre l’aspect délirant du propos, on peut s’étonner qu’il soit le fait d’une personne évoluant dans le milieu du catholicisme traditionaliste : tout ceci n’est, en effet, pas très chrétien. Surtout, un esprit rationaliste peut s’étonner de l’existence de tels propos et se demander pourquoi et comment ceux-ci peuvent fonctionner. Ces réflexions sont passionnantes pour l’historien des idées et/ou des religions. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, elles travaillent en effet une partie du monde savant, qui cherche à comprendre l’apparition, la persistance et l’essor de ceux-ci dans les sociétés occidentales.

L’ésotérisme nazi dans la culture populaire

S’il existe des études sur l’ésotérisme d’extrême gauche, il faut reconnaître que seul l’ésotérisme d’extrême droite attire l’opinion publique, avec une focalisation, morbide et voyeuriste, pour l’« occultisme nazi ». Ce thème a rencontré le grand public en 1960 avec un livre, bancal – il manque un chapitre pourtant annoncé dans la table des matières et les rares références citées le sont mal – écrit par le journaliste Louis Pauwels et le vulgarisateur scientifique Jacques Bergier, Le Matin des magiciens. Pourtant, la place consacrée à l’« occultisme nazi » n’occupe qu’un tiers de l’ouvrage, la partie centrale de celui-ci. Bien que les auteurs ne s’appesantissent pas sur ce thème, cet ouvrage est à l’origine d’une multitude de vocations de par le monde. En effet, ce livre est l’un des phénomènes éditoriaux importants des années 1960 et 1970. Le succès fut tel qu’il en surprit ses auteurs. Le livre n’a cessé d’être réédité à la fois aux éditions J’ai-lu et dans la collection « Folio », la collection de poche de Gallimard, sans compter la dizaine de traductions qu’il suscita. Il s’est écoulé, depuis sa parution en France, environ un million d’exemplaires de ce livre.

La culture populaire a joué évidemment un rôle important dans la diffusion d’un supposé « occultisme nazi », comme le montrent un certain nombre de blockbusters, parfois de qualité, qui le mettent en avant : des Indiana Jones au premier Hellboy, en passant par le premier Captain America (« First Avenger »). On peut également parler de bandes dessinées, dont D-Day, le jour du désastre, Blake et Mortimer (pensons à la Malédiction des trente deniers), etc., sans parler des romans. Cette thématique est un matériau très riche pour des créations culturelles, souvent associée à un aspect complotiste, très fréquent d’ailleurs, le nazisme y devenant une société secrète aux pouvoirs étendus. Sur ce point, on peut prendre l’exemple, ancien car il date de la seconde guerre mondiale, des comics de Jack Kirby et Joe Simon, qui mettent en scène le personnage de Crâne-Rouge datent de la période de la guerre. Le côté occulte d’Hydra, par contre, n’apparaît qu’à compter des années 1960.

Si cet aspect a rencontré le public, c’est en raison de l’intérêt porté à ces thèses : il y a d’un côté une fascination morbide et malsaine pour le nazisme (pensons à tous ces films des années 1970 – surtout italiens – qui jouaient sur le registre pornographique concentrationnaire) ; et de l’autre une volonté de comprendre la politique destructrice du nazisme. L’horreur étant telle qu’une partie de l’opinion publique est allée chercher les causes dans des explications irrationnelles. Les études universitaires sur ces aspects du nazisme se vendent bien également, malgré des approches parfois techniques et arides. Au-delà des aspects hétérodoxes, il y a réellement une fascination pour cette idéologie.

Une postérité assurée dans l’extrême droite radicale

Malgré tout, cette thématique a largement été reprise par une foule d’auteurs en quête de sensationnalisme, mais aussi par des militants d’extrême droite. C’est généralement à ce moment-là qu’on me pose une série de questions : ces militants y croient-ils réellement ? Des entretiens, des mails reçus que nous avons reçus (et qui parfois peuvent relever du harcèlement), l’étude scientifique de leurs textes montrent que oui, sans aucun doute. Y a-t-il des personnes relevant d’une institution psychiatrique parmi eux ? La réponse est tout aussi catégorique : oui, il y en a, mais ce n’est pas le cas de l’intégralité de ces militants. Parmi, ces personnes, il y a une proportion assez élevée d’individus qui peuvent être qualifiés de « sérieux ». Et c’est là que le bât blesse : la thématique de l’« occultisme nazi » n’attire pas que des lunatic fringes, pour reprendre une expression anglo-saxonne, c’est-à-dire de « doux rêveurs », de « doux dingues », ou des « marginaux lunaires » (traduction littérale de l’expression). Il y a, parmi ceux-ci, des théoriciens, des militants rationnels, solidement formés sur le plan théorique. On y trouve surtout d’anciens SS, qui ont cherché à diffuser auprès de nouvelles générations d’activistes les « enseignements » qu’ils auraient reçus au sein de la SS, durant leur période de formation idéologique. On peut citer le cas de l’écrivain Saint-Loup (pseudonyme de Marc Augier), qui se fit le promoteur d’un « paganisme nazi » dans les années 1960 et 1970, ou de l’écrivain de science-fiction Wilhelm Landig, qui transmit, dans des romans à clés, l’idée d’un « occultisme nazi ». Des études universitaires, telles celles du Britannique Nicholas Goodrick-Clarke, ont montré de façon convaincante qu’il existe un point de convergence entre les milieux occultistes et les milieux pré-nazis puis néonazis.

L’« occultisme nazi », dans sa variante « païenne », n’est pas resté cantonné au milieu des nostalgiques du Troisième Reich flirtant avec l’occultisme : il a été également conceptualisé, dans une version édulcorée, et diffusé dans les années 1960 et 1970 par des groupes comme la Nouvelle Droite, qui gomma les références nazies explicites, malgré la participation dans ses publications d’anciens SS (Saint-Loup, Maurice Martin alias Robert Dun, Henri Fenet, Robert Blanc, etc. pour ne prendre que des exemples français) pour théoriser une « civilisation européenne » païenne et identitaire, ne devant rien au christianisme, selon ses termes « bolchevisme de l’Antiquité » mené par des « fanatiques venus d’Asie ». Aujourd’hui, ces références sont mises en avant par les théoriciens de l’alt-right, de Greg Johnson à Colin Cleary. De fait, le paganisme « aryen » est devenu la religion majoritaire au sein de l’extrême droite la plus radicale, la célébration des solstices remplaçant les messes, notamment traditionalistes.

Une matrice identitaire à l’œuvre

Cependant, il faut insister sur le fait qu’il existe une extrême droite qui n’a que mépris pour ces spéculations, voire qui les condamne, tel le catholicisme traditionaliste. Il en existe enfin une dernière qui se désintéresse de ces questions : Jean-Marie Le Pen, par exemple, n’a jamais eu de propos sur l’« occultisme nazi » : cela ne fait pas partie de sa culture politique. Ces intérêts restent principalement confinés aujourd’hui dans les milieux radicaux : identitaires, nationalistes-révolutionnaires et néonazis.
Ces exemples, ainsi que l’expérience née de mes recherches depuis vingt ans, montrent que la séparation à l’extrême droite entre, d’une part, les « ésotérisants » et, de l’autre, les « sérieux » – non occultisants – n’est pas aussi tranchée, loin de là, les seconds ayant les mêmes intérêts, voire les mêmes références que les premiers. Mais celles-ci sont mieux assimilées. De ce fait, elles sont rendues plus acceptables auprès du grand public, voire auprès d’observateurs scientifiques ou militants.

Malgré tout, il existe une matrice identique : la volonté de créer une foi qui serait propre aux « vrais » Européens, Blancs, et n’ayant que mépris pour la religion d’esclaves que serait le christianisme. Chez les premiers, l’affirmation ethnique est mise en avant ; chez les seconds, c’est au contraire les notions d’identité et de préservation d’une culture, voire d’une civilisation, européennes qui sont mises en avant.

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