Cette deuxième Conversation de l’INRER s’est déroulée vendredi 9 novembre 2018 au palais du Luxembourg, à l’invitation de la sénatrice Laurence Rossignol. Autour d’Isabelle Kersimon, Jacqueline Chabbi, Farid Abdelkrim et Nasser Ferradj.
Isabelle Kersimon, présidente de l’INRER, est journaliste et essayiste. Elle s’est attachée depuis 2009 à circonscrire l’ensemble de ce que recouvre le terme d’islamophobie lorsqu’il est utilisé à des fins politiques.
L’islamophobie n’existe pas ?
“L’INRER n’emploie pas le terme d’islamophobie en dehors de circonstances précises, mais il est hors de question de nier les actes et les propos antimusulmans”, précise notre présidente.
Jacqueline Chabbi est agrégée d’arabe et historienne de l’islam. Dans ses travaux érudits, elle prône une lecture anthropologique et historique du Coran. Ses connaissances et son humanité ont éclairé le débat.
À quoi sert d’étudier l’histoire de l’islam tribal,
de l’islam impérial, de l’islam wahhabite ?
“À humaniser l’histoire du monde musulman pour donner des arguments à ceux qui veulent se montrer raisonnable”, répond Jacqueline Chabbi.
Le parcours atypique et le témoignage très fort de Farid Abdelkrim, ancien cadre des Frères musulmans devenu comédien, ont marqué l’assemblée.
Les Frères musulmans, ce n’est pas l’islam ?
“J’ai percuté l’islam. Ce n’était pas l’islam, c’était l’islamisme, celui des Frères musulmans », raconte Farid Abdelkrim :
Nasser Ramdane Ferradj a dévoilé nombre d’anecdotes qui ont émaillé son parcours militant et ses combats contre les islamistes depuis une vingtaine d’années, interrogeant au passage les représentants de la République sur leur surdité.
“Not in my name”, c’était une bonne initiative ?
“Au moment des attentats et d’une prise de parole des musulmans, les enfants juifs de Toulouse et les victimes de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher ont été oubliés”, rappelle Nasser Ferradj.
Retrouvez l’intégralité de la présentation de l’INRER en compagnie de la sénatrice Laurence Rossignol ici :
Les réseaux sociaux sont mis en cause dans le débat public, et les batailles qui s’y livrent révèlent celles qui font rage plus ou moins souterrainnement dans notre société. Les questions identitaires sont au coeur de ces guerres intestines.
Qui veut la guerre ?
“Une guerre identitaire est voulue par les islamistes et l’extrême droite”, affirme Isabelle Kersimon.
Comment rester universalistes ?
La question se pose aussi pour les féministes, explique Martine Storti, venue assister à cette Conversation.
Un antisémitisme spécifique ?
Isabelle Kersimon rappelle que l’antisémitisme islamiste se déchaîne depuis des années sur les réseaux sociaux.
Farid Abdelkrim ne craint pas d’affirmer qu’il existe des préjugés antisémites, y compris chez les musulmans. Ils sont exploités notamment par les Frères musulmans. Il lisait le Protocole des Sages de Sion, un classique du conspirationnisme pourtant attesté comme étant un faux depuis près d’un siècle.
Le Protocole des Sages de Sion ?
Pour Nasser Ramdane Ferradj, c’est d’ailleurs ce faux antisémite qui anime l’antisémitisme chez les musulmans, plus que les textes sacrés de l’islam.
Quelle place pour les Juifs dans l’histoire de l’islam ?
Jacqueline Chabbi rappelle quelques vérités historiques.
Les Frères musulmans ont développé une stratégie politique et discursive très efficace. Mais ils ont aussi employé les intimidations.
Les Frères musulmans usent de violence physique ?
“Mes confrontations avec les Frères musulmans étaient aussi physiques. Ils menaçaient pour imposer le voile à l’école », raconte Nasser Ramdane Ferradj.
Toute féministe universaliste est contre le voilement des femmes, qui n’est pas, par ailleurs, une prescription coranique.
Pas de femmes en islam ?
Jacqueline Chabbi rappelle que la condition des femmes est toujours corrélée à la société dans laquelle elles évoluent.
Cette lutte féministe ne peut pourtant pas s’affranchir des questions de méthode.
Contre le voilement… Pas contre les femmes voilées ?
Pour Isabelle Kersimon et Farid Abdelkrim, c’est tout à fait possible, et c’est souhaitable.
Dans l’histoire récente de l’islam, un leitmotiv identitaire est à l’oeuvre qui dicte le licite et l’illicite. C’est ce qu’ont aussi discuté nos intervenants.
Le tout-halal, une nouvelle religion ?
“Avec le wahhabbisme, tout est devenu haram. Le halal est un élément de l’approche identitariste de la religion », répond Farid Abdelkrim.
“Il faut arrêter de croire que le halal et le haram existent depuis le début de l’islam”, explique Jacqueline Chabbi.
Jacqueline Chabbi ajoute que le vin a longtemps tenu une place de choix dans la littérature arabe.
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